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Entretien professionnel : irrégularité de la procédure et recours

Déjà expérimenté dans de nombreuses collectivités en remplacement de la notation chiffrée, l’entretien professionnel d’évaluation est désormais la règle dans la Territoriale. Les modalités de l’entretien ainsi que les conditions dans lesquelles il en est tenu compte pour l’avancement des agents ont été précisées par un décret du 16 décembre 2014. Le système de la notation chiffrée jugé infantilisant ou « corrompu par le phénomène de l’inflation des notes » (1) est définitivement enterré.

La technique de l’évaluation déclinée sous l’appellation d’entretien professionnel et déjà généralisée dans la fonction publique de l’État, s’appliquera en 2015 à l’ensemble des fonctionnaires territoriaux sans qu’il soit besoin de délibérer.

Le décret du 16 décembre 2014 relatif à l’appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires territoriaux, qui en fixe les modalités, s’inspire très largement des textes qui s’appliquaient durant la phase expérimentale (2). Ce décret vient préciser les dispositions de l’article 76 de la loi du 26 janvier 1984 (3) qui posent pour principe que « l’appréciation, par l’autorité territoriale, de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct qui donne lieu à l’établissement d’un compte rendu ».

Les agents concernés

L’entretien professionnel est obligatoire pour les fonctionnaires quels que soient leurs corps, cadres d’emplois ou statut particulier (art. 1er décret du 16 décembre 2014). Cette généralisation rompt avec les règles applicables durant la phase expérimentale qui excluaient différents cadres d’emplois (médecins, psychologues, biologistes, vétérinaires et pharmaciens) du dispositif (4). Il convient également de préciser que la rédaction du décret exclut les agents non titulaires. Pour l’heure, en ce qui concerne les collectivités, la réglementation prévoit que seuls les agents en CDI font l’objet d’une évaluation au moins tous les trois ans (5).

Le décret du 16 décembre 2014 relatif à l’appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires territoriaux s’inspire très largement des textes qui s’appliquaient durant la phase expérimentale.

Vu le nombre important d’agents non titulaires dans la FPT et l’intérêt de l’entretien professionnel en matière de management, cette exclusion n’est pas rationnelle. Il est donc fort probable que la réglementation évolue à l’image des règles applicables aux agents non titulaires de l’État recrutés en CDI ou en CDD d’une durée supérieure à un an ; ces personnels bénéficient chaque année d’un entretien professionnel qui donne lieu à un compte rendu (6).

Par ailleurs, le décret n’évoque pas le cas des fonctionnaires stagiaires. Ces agents font l’objet d’une évaluation avant titularisation et non pas au titre du décret du 16 décembre 2014. L’évaluation du fonctionnaire stagiaire n’est donc requise qu’au travers du rapport de stage, comme c’était déjà le cas dans le cadre expérimental (7).

Conduite et contenu

L’entretien doit être conduit, sous peine d’irrégularité de la procédure (8), par le supérieur hiérarchique direct. Ce dernier est en effet le mieux placé pour apprécier la manière de servir de l’agent et les conditions dans lesquelles il exerce ses missions. Le fonctionnaire est convoqué par son supérieur hiérarchique direct au moins huit jours avant la date. À cette occasion, sa fiche de poste et un exemplaire de la fiche d’entretien servant de base au compte rendu doivent lui être communiqués. Le non-respect de cette procédure entache l’évaluation d’irrégularité et le tribunal administratif saisi par l’agent peut enjoindre à la collectivité de procéder à un nouvel entretien professionnel en vue de son évaluation (9). Il n’existe pas un modèle unique de fiche d’entretien. Néanmoins, cette fiche, qui sert de fil conducteur au déroulé de l’entretien, puis de compte rendu, doit contenir les rubriques prévues à l’article 3 du décret du 16 décembre 2014 : résultats professionnels obtenus par le fonctionnaire eu égard aux objectifs de l’année écoulée ; les objectifs assignés pour l’année à venir ; la manière de servir ; les acquis de l’expérience professionnelle ; le cas échéant, les capacités d’encadrement ; les besoins de formation ; les perspectives d’évolution professionnelle en termes de carrière et de mobilité.

L’agent doit être invité à formuler, au cours de cet entretien, ses observations et propositions sur l’évolution du poste et le fonctionnement du service.

L’entretien doit être conduit, sous peine d’irrégularité de la procédure, par le supérieur hiérarchique direct.

Les fiches peuvent par exemple prévoir quatre grandes parties :

résultats et objectifs ; compétences (savoir-faire) et savoir être ;

perspectives (souhaits de l’agent, propositions/possibilités d’évolutions) ;

volet formation.

Les objectifs doivent être réalistes (atteignables), rédigés de manière simple et mesurable (en termes de résultats ou changements qualitatifs ou quantitatifs par rapport à une situation de départ).

CE QU’IL FAUT FAIRE

Respecter le déroulé de l’entretien

• Accueil de l’agent par le supérieur hiérarchique (rappel des objectifs de l’entretien et présentation de son déroulé).

• Réalisation du bilan de l’année écoulée.

• Évaluation des résultats et des compétences.

• Détermination des objectifs de l’année à venir.

• Perspectives d’évolution professionnelle et analyse des besoins en formation.

• L’évaluateur finalise le compte rendu en rédigeant l’appréciation générale littérale et en faisant

état des points de convergence et de divergence.

• L’agent a la possibilité de formuler ses remarques sur le fond ou le déroulement de l’entretien lorsque le compte rendu lui sera notifié.

Critères d’appréciation de la valeur professionnelle

L’entretien et le compte rendu doivent permettre d’apprécier la valeur professionnelle du fonctionnaire. Les critères utilisés, qui doivent être fixés après avis du comité technique, portent notamment sur les résultats obtenus et la réalisation des objectifs ; les compétences professionnelles et techniques ; les qualités relationnelles ; la capacité d’encadrement ou d’expertise ou, le cas échéant, à exercer des fonctions d’un niveau supérieur. Le compte rendu, établi et signé par le supérieur hiérarchique direct, comporte aussi une appréciation générale littérale exprimant la valeur professionnelle du fonctionnaire au regard de ces critères.

L’entretien et le compte rendu doivent permettre d’apprécier la valeur professionnelle du fonctionnaire.

Cet exercice imposé est essentiel puisqu’il doit être pris en compte dans le déroulé de carrière. L’article 8 du décret précise ainsi que pour l’établissement du tableau d’avancement de grade (art. 79 et 80 de la loi du 26 janvier 1984) et de la liste d’aptitude (article 39 de cette même loi), il est procédé à une appréciation de la valeur professionnelle du fonctionnaire, compte tenu notamment des comptes rendus d’entretiens professionnels et des propositions motivées formulées par le chef de service.

L’évaluation de la valeur professionnelle est aussi prise en compte en matière d’avancement d’échelon, lorsque le choix est fait de ne pas procéder aux avancements à l’ancienneté maximale (art. 78 de la loi du 26 janvier 1984). Il doit également être tenu compte de la valeur professionnelle dans le cadre de l’attribution de certaines primes (PFR, IFSE).

Voies de recours

Dans un délai maximum de quinze jours, le compte rendu est notifié au fonctionnaire qui, le cas échéant, le complète par ses observations sur la conduite de l’entretien ou les différents sujets sur lesquels il a porté, le signe pour attester qu’il en a pris connaissance et le renvoie à son supérieur hiérarchique direct. Le compte rendu, complété, le cas échéant, des observations de l’agent, est

ensuite visé par l’autorité territoriale puis communiqué à l’agent et versé à son dossier. Le décret organise une procédure de révision propre à l’entretien professionnel. Le fonctionnaire peut ainsi demander à l’autorité territoriale la révision du compte rendu. La demande doit être formulée dans un délai de 15 jours francs suivant la notification du compte rendu au fonctionnaire. L’autorité territoriale doit notifier sa réponse dans un délai de 15 jours après la demande. Dans le mois suivant la notification de la réponse de l’autorité territoriale, le fonctionnaire peut, dans un second temps, s’il n’a pas obtenu satisfaction, demander à la CAP de proposer elle-même à l’autorité territoriale la révision du compte rendu.

L’autorité territoriale examine alors cette nouvelle demande et communique au fonctionnaire, qui en accuse réception, le compte rendu définitif de l’entretien professionnel. Cette procédure interrompt le délai de recours contentieux.

CE QU’IL FAUT FAIRE

Pour réussir l’évaluation 2015 : préparer le changement toute l’année

1 – Réfléchir sur les fiches de postes, rédaction des projets de modèles de fiches d’entretien servant de base aux comptes rendus. Il est conseillé de prévoir différents modèles croisant par exemple la catégorie hiérarchique (A, B ou C) et les fonctions (encadrant ou non-encadrant).

2 – Saisir obligatoirement pour avis le comité technique sur les critères d’appréciation de la valeur professionnelle.

3 – Fixer des critères et des modèles de fiches d’entretien.

4 – Faire l’information/formation des évaluateurs sur le dispositif, la méthodologie de l’entretien, les techniques d’écoute, les erreurs à éviter (excès de complaisance ou de sévérité, termes blessants ou inappropriés…).

5 – Informer les personnels.

6 – Évaluer (respect des phases et délais prévus par la réglementation : convocation, notification du compte rendu…).

7 – Intégrer/prendre en compte l’entretien professionnel dans les processus RH : gestion des carrières (avancements…), GPEC, mobilité interne, plan de formation. Note

(01)Didier Jean-Pierre, « L’entretien professionnel peut remplacer la notation dans la fonction

publique territoriale », JCP A n° 29, 19 juillet 2010, act. 572.

(02)Cf. O. Guillaumont, « Entretien professionnel : quelles modalités », La Lettre du cadre territorial, oct. 2010 ; « La notation est (bientôt) morte… vive l’entretien professionnel d’évaluation ! », La Lettre du cadre territorial, avril 2014

(03)Modifiées par l’article 69 II de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

(04)Décret n° 2010-716 du 29 juin 2010.

(05)Art. 1-3 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale.

(06)Art. 3 du décret n° 2014-364 du 21 mars 2014 modifiant le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l’État.

(07)Circ. min. du 6 août 2010 relative à la mise en oeuvre de l’expérimentation de l’entretien professionnel au sein des collectivités territoriales.

(08)CE, 6 décembre 2006, n° 287453, X.

(09)TA Strasbourg, 6 février 2014, n° 1101907, B.

Tag(s) : #Carriére
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